ANGELO BAQUE

Supreme Taulier

Lorsque l'on mentionne Downtown New-York City, son héritage, sa culture, sa musique et son influence sur le reste de la planète, très peu d'entités réussissent à fédérer les opinions derrière elles. Pourtant, l'un de ces emblèmes en particulier est révérée comme étant la papesse de ce mouvement, SUPREME. Aussi quintessentiellement New-Yorkaise que Lou Reed ou Jay-Z, aussi tenant d'une opinion que les New-Yorkais se font de leur propre ville comme feu le CBGB's, SUPREME dicte les codes du streetwear et la concurrence les suit. Angelo Baque est l'ambassadeur de la marque. Le visage de SUPREME, pour beaucoup, c'est lui. S'il n'en est pas le boss (ce serait le plus qu'élusif James Jebbia), Angelo y a travaillé si longuement qu'il la représente comme il représente sa ville, avec fierté et recul. Morceaux choisis d'un entretien avec le plus influent des directeurs marketing de la street-culture.

 

Salut Angelo. Pouvez-vous vous présenter et nous dire ce que vous faites et comment vous le faites?

Mon nom est Angelo Baque. Je travaille pour SUPREME New-York en tant que Directeur du marketing. Ce que je fais et comment je le fais dépend de ce qu'il ya sur mon assiette pour la journée. La meilleure partie de mon travail est la flexibilité que j'ai. Je fais la direction artistique et le stylisme de la plupart, si ce n'est la totalité, des photoshoots de la marque et je conçoit et produit du contenu vidéo que l'on voit sur le web avec l'aide de mon ami Jake Davis. Je suis consulté sur la direction à prendre pour les collections futures de SUPREME. Souvent je sers aussi de relais entre SUPREME et les artistes, les photographes, les graphistes et vos gamins locaux qui montent, leur donnant une plate-forme pour exposer leurs talents. 

 

Pouvez-vous nous dire comment vous avez été commencé avec SUPREME et comment vous voyez l'évolution de la marque? 

J'ai travaillé pour mon patron actuel, James Jebbia, au magasin Stussy de New York Stussy quand j'avais environ 21 ans. Puis je suis parti aider mon pote Wil Whitney démarrer un nouveau magasin appelé Nom De Guerre. J'ai travaillé là en tant que manager/acheteur pendant environ trois ans, lorsque James m'a appelé pour une discussion. Cette discussion est devenue un entretien d'embauche pour SUPREME. Quant à l'évolution de la marque, séparons-la en deux. SUPREME, la marque de vêtements, a continué à affiner ses fondations - sweat-shirts, chapeaux et manteaux - au cours des douze dernières années. Autour de 1998, j'ai commencé à prêter attention à SUPREME, parce que je trainais downtown. Depuis, je n'ai remarqué que quelques ajustements minimes fait à la collection, mais rien de drastique. Pour moi, la marque a toujours fait un bon travail en tant que voix de New-York. La deuxième partie a plus à voir avec la popularité et la disponibilité de la marque. Il y a clairement une portée plus large maintenant: en 1998 c'était plus un cercle d'initiés de downtown ou de la scène skate qui connaissaient SUPREME. Afin de mettre vos mains sur les produits, vous deviez vous rendre au magasin et c'était jouer avec le feu à l'époque. Maintenant vous voyez des gens qui en portent dans le monde entier. Grâce à l'internet vous n'avez plus besoin de venir à New-York ou d'aller au Japon pour en savoir davantage sur la marque. 

 

Et comment expliquez-vous l'aura et l'influence que SUPREME a sur toute cette industrie du "streetwear"? 

Sans vouloir être chauvin ou partisan, je pense que n'importe qui peut aller sur n'importe lequel des blogs "streetwear" et comprendre assez facilement.

 

SUPREME a toujours semblé assez exigeant dans leur travail de colaboration avec ce qu'ils considèrent comme étant des artistes ou des marques aux philosophies similaires. Cette formule a fonctionné pour vous, mais comment voyez-vous le processus de collaboration dont vous avez été le fer de lance? 

Presque tous les projets que nous réalisons sont des efforts collectifs. Mais tout le monde à SUPREME n'a pas des vues similaires, ce qui fonctionne pour à notre avantage. Mais pour que les idées marchent, elles ont besoin de faire l'unanimité. Si tout le monde s'accordait tout le temps ou aimait la même chose, nous serions l'équivalent d'un magasin de chaussures qui ne vendrait qu'une seule marque ou une seule couleur. Nous ne sommes pas dans le business de vendre de la glace à la vanille.

 

Vous avez récemment fait une collaboration avec A.P.C., avec qui vous avez en commun de faire des collections toujours assez similaires, des produits solides, chaque saison, tout en les gardant frais. Pensez-vous que c'est ce qui garde votre marque importante, et en avance sur la concurrence?

L'objectif des projets de collaboration SUPREME est de créer des produits que nous ne ferions pas normalement nous-mêmes. Avec A.P.C., c'était un projet spécial pour moi parce que les deux marques ont une mentalité similaire. Ceux qui connaissent New York et le quartier de Soho sauront que les deux magasins sont à deux pas, mais représentent deux clients a priori différents. Au cours des quatre dernières années, je dirais que l'écart entre nos clients respectifs est devenue plus étroite. Tous les jours, je vois des gamins porter un jean A.P.C. et une veste SUPREME ou vice-versa.

Lorsque nous travaillons sur des projets de collaboration, nous ne mettons pas l'accent sur ce que les autres personnes pourraient trouver "pertinents". Le parfait exemple de ça est le projet que nous avons fait avec Oakley. À l'époque, personne à part une petite communauté de gamins portaient les "Frogskins". C'était un projet dans lequel nous avons cru et nous savions tout de suite que ce serait frais. Les produits de qualité parlent toujours d'eux-mêmes.

 

La plupart des marques de "streetwear" rêvent d'être "Big in Japan", tandis que vous êtes très populaires là-bas. Comment expliquez-vous que l'une des marques les plus New Yorkaises dans sa philosophie soir devenue aussi massive au Japon? 

En toute honnêteté, je n'étais plus là pour le "big boom" Japonais de la fin des années 90. Les gamins venant du Japon ont commencé à graviter autour de tout ce qui se passait à New-York et à l'époque il y avait une poignée de marques indépendantes New Yorkaises en plus de SUPREME. Le skateboard était à la mode et le hip-hop était encore bon (certains pourront trouver ça discutable). NYC était le foyer de la street-culture. C'est alors que j'ai rencontré le prototype de «l'acheteur». Donc, ces mecs venaient du Japon et d'un seul coup, vidaient des magasins ici et allaient tout revendre au Japon. SUPREME, de loin, était en haut de leur liste au Japon. C'est alors que James a fait équipe avec son partenaire Ken et a ouvert la première boutique SUPREME dans le Daikanyama. "The Rest is History" comme on dit...

 

Peu de visages peuvent être liés à SUPREME outre ceux de James Jebbia, le votre et très peu d'autres. Est-ce un choix volontaire de rester dans l'ombre?

Nous avons fait le choix de laisser la marque parler pour elle-même.

 

Il y a quelques années, SUPREME a commencé à vendre ses produits en ligne. Beaucoup ont dû vous accuser de vous "prostituer". Cela vous gêne-t-il d'être tenus à des normes différentes par rapport aux marques moins considérées?

Je n'ai jamais considéré le fait de vendre en ligne comme étant de la «prostitution». Nos clients restent toujours aussi exigeants sur leurs goûts et leur mode de vie. En ce moment, les gamins vont trouver un moyen d'acheter nos produits que ce soit sur Ebay ou sur des forums. Pourquoi ne pas les laisser les acheter à la source?

 

Votre propre marque, ABSURD avait un buzz très fort à un moment donné et quelques visuels étonnants (le visage de Mike Tyson étant l'un de mes préférés), Qu'en est son actualité? Est-elle en pause ou avez-vous décidé de la laisser tomber?

En ce moment, elle est en vacances permanentes. J'ai refusé de compromettre la marque quand le "streetwear" était en ébullition. J'ai continué à faire ce que j'avais envie de faire sans laisser le marché en dicter la direction artistique. Je pourrais toujours la revendiquer comme mon premier enfant sans en avoir honte. Je suis toujours down pour faire des projets si ils sont dans même veine que ABSURD comme le t-shirt promo pour l'album de Q-Tip ou les blousons GOODFOOT. Je porterais les deux sans hésiter et je me dis que c'est cool quand je vois un gamin les porter dans le rue. Quand les gens me posent des questions sur ABSURD, ça me fait sourire. Je n'ai jamais voulu voir ABSURD comme un boxeur qui a fait le combat de trop et qui a pris quelques coups en trop. Je sens que je me suis arrêté au bon moment.

 

Mes informateurs m'ont dit que vous étiez l'un des plus grands fans de Morrissey. Quelles sont vos autres sources d'inspiration lorsque vous travaillez? 

Hell yeah! Je suis un grand fan de Morrissey. J'ai eu la chance d'avoir un voisin un peu barré qui me l'a fait connaître lui puis 'The Smiths' à un très jeune âge. Les autres choses qui m'inspirent sont la photographie, Joe Bataan, Richard Avedon, les belles chausures, les mixtapes de Young Chris, Nas, le Queens, Mobb Deep, Cam'Ron et Vado, les comportements ignorants, Shaq, l'exploration de l'internet, les selections d'oldies du rock d'Art Laboe, les femmes et de loin, tout au-dessus de ma liste est le site worldstarhiphop.com!

Il y a aussi la ritournelle quotidienne, le réveil, regarder par la fenêtre, la marche jusqu'à la gare, écouter la ville. Savoir que j'ai le pouvoir de changer chaque jour. Bien sur la famille et le nombre croissant d'amis du monde entier que j'ai pu me faire au cours des 31 dernières années. Ceux qui me font tourner la tête. Je suis toujours en attente de la prochaine aventure.

 

Un dernier mot pour le lectorat français. Quelques informations sur l'endroit où SUPREME sera vendu ici maintenant que vous n'êtes plus chez Colette? 

Restez un tout petit peu patients et surtout n'allez pas dépenser tout votre argent sur Ebay...